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Entretien avec Jean Klein extrait de « Qui suis-je ?
La quête du sacré » de Jean Klein
aux Editions Albin Michel
 
Quel est l’outil que l’on utilise dans cette approche ?

C’est une « écoute » profonde, libre d’interférence mentale. Grâce à cette écoute les couches subtiles paralysées de l’énergie corporelle peuvent se déployer. En travaillant par l’écoute sans volonté ou but à atteindre, le corps trouve son état originel de légèreté, d’expansion, de transparence et l’harmonisation naturelle de l’énergie.
En travaillant avec le corps dilaté, on parvient au mental dilaté. Le corps-mental dilaté est le seuil de notre réel, la conscience sans objet. Au début il semble que l’accent soit mis sur le corps, mais à la fin l’accent est mis sur l’écoute elle-même – qui est réceptivité, ouverture, notre nature véritable dans laquelle le corps et le mental existent.

Que voulez-vous dire par « sensation corporelle » ?

Ce que vous appelez votre corps n’est qu’une enveloppe dans laquelle vit un corps subtil. Ce corps intérieur est une énergie subtile, la force vitale qui soutient le corps physique. Toute notre sensibilité dépend de cette force vitale.

De manière paradoxale, bien que le corps subtil réside dans le corps physique, il rayonne au-delà de lui et rencontre l’environnement. Ainsi le corps dans sa totalité a une extension bien plus grande que ce que l’on croit en général. Comme le corps physique est au cours de votre vie de plus en plus conditionné par l’effort, il devient un nœud de tensions et de contractions qui paralyse l’expression du corps subtil. Son rayonnement est gêné et le corps physique est coupé de son environnement. Lorsque cette force vitale est obstruée, il y a un vieillissement prématuré du corps physique qui se manifeste d’abord par une diminution de la sensibilité et de l’énergie. Dans le corps naturel en bonne santé chaque cellule est pénétrée par la vie.
Notre approche est donc de ramener l’énergie corporelle à sa pleine expression, comme c’est le cas dans la petite enfance. En étant conscient de cela, elle retrouve un fonctionnement complet.

Donc, la première chose que nous faisons dans notre travail corporel est d’éveiller le corps énergétique, d’en faire un objet de conscience. Cette énergie est ressentie, c’est une sensation. C’est cela que je nomme sensation corporelle. Lorsque la sensation de l’énergie est pleinement vivante, elle amène une modification de la structure physique. Toute autre tentative de changer le corps provient de la volonté, du mental et c’est une violence. Dans tout mouvement c’est le corps énergétique, le corps vital, qui bouge et qui entraine le corps physique. L’accent dans notre enseignement à ce niveau n’est donc pas mis sur la posture ou sur la structure physique, mais sur cette sensation corporelle. Lorsque le corps vital est éveillé, toute la structure musculaire est détendue et une réorchestration de l’énergie s’effectue. Chaque sens n’est plus limité à son organe physique mais s’étend au corps entier. Dans cette sensation globale tous les sens participent. Le fait d’être dans l’expansion vous mène automatiquement au-delà de l’idée d’être une entité séparée. Le travail corporel est une façon de vous amener à l’union avec tous les êtres.

 

 

L’approche corporelle dans le yoga du Cachemire Le yoga du Cachemire tel que transmis par Jean Klein est une adaptation fonctionnelle d’une tradition tantrique millénaire. Le cœur de cette approche est une écoute inconditionnelle de tous les phénomènes psycho-physiques. Cette présence laisse apparaître très vite une expérience vibratoire souvent d’abord locale puis globale dans tout le corps. Cette disponibilité sans intention se retrouve dans les poses de yoga où la vacuité deviendra le centre de l’exploration. La vibration se déploie spontanément, dans une attitude sans référence ; Cette non-volition permet de vider la pose de ces encombrements. La sensibilité inhérente au corps est souvent étouffée par une vie psychologique dominée par l’affirmation, la défense, l’idée de soi-même. Une exploration sans préjugés ni attente va être abordée à travers la forme ritualisée des asanas. Cette pratique éminemment créative ne vise pas la réalisation d’une position « juste » mais se sert de cette forme comme outil de découverte. L’absence d’intention permet de percevoir les tensions cachées qui bloquent notre fonctionnalité. De nombreux exercices non codifiés par les textes amènent une mise à nu de nos schémas habituels. L’évocation de multiples images sensorielles libèrera le cerveau des tensions inhibitrices. La pratique des asanas sans la stimulation musculaire permet une non-violence libérant notre potentiel. La prise d’une pose avec un corps vacant va dissoudre en profondeur la tension musculaire. Cette approche ne peut être que non intentionnelle : ni étirement, ni concentration mais une disponibilité multi-sensorielle. La tactilité, le sens le plus global, permet la découverte d’un corps tactile qui se réfère directement à l’écoute profonde. La sensibilité stimulée à l’extrême par la lenteur et la présence sans but va se développer dans la pose ainsi qu’après le retour de la pose où elle va se transformer en vibration subtile. Après un certain temps de pratique il est possible d’aborder ces mêmes mouvements avec le corps de vibration seul, sans la participation du corps physique, Là commence le yoga interne. L’exploration de la respiration, la découverte du « souffle » tient une part essentielle dans cette dynamique. Le pranayama ou la libération des énergies internes par la découverte des prolongations subtiles de la respiration est l’espace le plus poussé de cette tradition. L’apaisement du souffle amène l’apaisement du mental propice à la méditation. Dans la méditation, la vibration se déploie et se résorbe sous d’innombrables modalités. Cette approche où le souffle devient un avec l’espace n’est pas une invention moderne mais est déjà mentionnée explicitement dans le Vijnanabhairavatantra, texte tantrique du 7ème ou 8ème siècle. Abhinavagupta au 11ème siècle fut le représentant le plus célèbre de cette tradition. Une pédagogie toujours neuve, adaptée à l’instant stimule l‘écoute chez le pratiquant . C’est finalement lui seul qui se rendra compte des ses défenses et dans une acceptation fonctionnelle les laissera se dissoudre. L’asana, le pranayama sont méditation en mouvement. Cette présence va progressivement s’immiscer dans tous les aspects de notre vie.

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